mardi 18 mars 2014

L'écorce des bouleaux.


Birkenau. Bois de bouleaux. 15 mars 2014. TF
Il y a bien sûr l’alignement presque ininterrompu des blocks de part et d’autre de la rampe à l’intérieur du camp. Une image reste : le tri effectué par les SS, au pied d’un train, avec en arrière-plan l’entrée si symbolique d’Auschwitz.
Ces bâtiments, encadrés de barbelés, sont aussi ceux de Buchenwald, de Ravensbrück, des autres camps nazis où les résistants et déportés politiques ont été usés jusqu’à l’épuisement et la mort par le modèle industriel allemand de l’époque. Ceux de l’univers concentrationnaire décrit par David Rousset.
   



Mais plus loin, en s’éloignant de cette ville de l’ordre nouveau, des arbres se dressent au-dessus de petits fossés remplis d’une eau verdâtre : une forêt de bouleaux. Et là, où les traces se sont fondues dans le paysage de l’Europe froide, il n’y a rien. Aucun mur, aucun toit, rien qui évoque la fonction principale de Birkenau : mettre à mort à l’abri des regards. Pourtant, peut-être parce qu’on connaît les photographies de l’album d’Auschwitz et celles prises clandestinement par les sonderkommandos, sans doute parce qu’on sait ce qui s’est passé à l’endroit où nous marchons, l’inimaginable surgit de la mémoire. Ce sol où l’on s’enfonce dans un tapis de feuilles mortes et d’écorces de bouleaux, ces quelques arpents dérobés à la vue des hommes ont été « le cœur de l’enfer ».
     C’est là que ça a eu lieu.
     Là que la peur des femmes et des enfants déshabillés a glacé le sang des feuilles. Là que les SS ont élevé à la gloire du racisme son plus haut monument. Là que le monde yiddish s’est effondré sous les rafales et dans les vapeurs mortelles.
     Et c’est cela qu’on voit dans la transparence des bouleaux qui semblent, à présent, veiller sur l’engloutissement absolu et sans retour.
Thierry Flammant

1 commentaire:

  1. "a glacé le sang des feuilles" ?
    Le monde yiddish et au-delà, car Birkenau fut le point d'arrivée de convois de déportés juifs en provenance de régions de l'Europe où la pratique du yiddish était beaucoup moins répandue qu'en Europe centrale et orientale : Grèce, Italie, Norvège, Pays-Bas...

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