mercredi 19 mars 2014

Esprit d'entreprise.

Camp d'Auschwitz.Salle des valises du musée. 15 mars 2014.
De nombreux objets de la mémoire des victimes ainsi que des archives sont exposés dans ce que la Pologne appelle, depuis 1955, le musée d’Etat d’Auschwitz-Birkenau.
Les nombreux blocks en briques rouges, le « mur des fusillés », les cheveux, valises, lunettes, chaussures, gamelles des déportés sont familiers à tous ceux qui ont vu et revu le documentaire d’Alain Resnais sorti l’année de l’inauguration du « musée ». Les enjambées sur les pavés, alors qu’une bourrasque de neige fouette les corps penchés des visiteurs, empruntent les plans de Nuit et brouillard. L’impression est étrange.
On passe d’un block à un autre comme dans une cité de banlieue où quelques marches nous conduisent au 1er niveau. La muséification est totale. Il fallait, sans doute, montrer de suite la réalité de la déportation, conserver ce qui pouvait l’être, mettre en scène sobrement. Mais la sobriété des années 50 – où l’étalage d’objets résumait la conception d’un musée y compris en France - s’avère aujourd’hui grandiloquente. La multiplication des entassements est saisissante.
La salle des valises aux noms évocateurs comme celle des boîtes de Zyklon B traduisent la déportation et la mise à mort. Des projets de réaménagement sont cependant en cours pour refaire une place à l’histoire et à sa compréhension.
Cette connaissance passe évidemment par le livre et une petite librairie encombrée s’avère un lieu de passage essentiel entre le camp « musée » et l’extérieur. La neige a cessé de voler mais les ouvrages achetés nécessitent quand même d’être protégés. Le petit sac rouge – qui aurait pu porter la belle étoile de l’armée libératrice – arbore au contraire le nom d’une entreprise allemande qui, alors que les résistants d’Europe hurlaient sous la torture, que les juifs des ghettos crevaient comme des chiens sur les trottoirs polonais et que les « judéo-bolchéviques » étaient coupés en deux par les rafales des Einsatzgruppen, entassait ses profits en fabriquant par milliers les uniformes de la SS : Hugo Boss. L’argent n’a pas d’odeur. Le capitalisme, si.
Thierry Flammant

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