dimanche 7 décembre 2014

L'art pictural pour enseigner la Shoah : l'exemple de David Olère.

La leçon sur la Shoah est sans doute celle parmi les plus difficiles à faire : comment enseigner quelque chose de si difficile à penser ? Qu'est-ce que les élèves retiendront de ce cours ? On arrive rapidement à la question : Comment vais-je présenter cela et avec quels documents ? La question des sources est ici particulièrement difficile. Nous avons à notre disposition énormément de documents : des récits, comme celui de Primo Lévi (Si c'est un homme, 1947), sans doute une des meilleures sources écrites, mais aussi de nombreux ouvrages historiques traitant de la question, sous des angles différents. Des générations de professeurs ont aussi utilisé le documentaire Nuit et brouillard d'Alain Resnais (1955), qui traite, certes, du système concentrationnaire, mais sans montrer la spécificité du génocide des juifs.
    Au fil des années, j'en suis arrivé à l'idée que les témoignages picturaux sont sans doute les meilleurs vecteurs pour enseigner la Shoah, notamment au collège. Ils donnent à voir une réalité difficile à penser par des élèves aussi jeunes. Je pense notamment aux oeuvres de David Olère (1902-1985), Sonderkommando à Auschwitz de 1943 à 1945. Son destin est exceptionnel car, de par sa fonction, il est un miraculé puisque les Sonderkommando étaient régulièrement éliminés par les SS pour qu'aucun témoin ne puisse raconter ce qu'il avait vu. Ensuite, en étant ainsi placé au coeur du système génocidaire nazi, il a été un témoin (privilégié) du fonctionnement du système génocidaire nazi. Dès son retour de déportation, il se met à peindre et à dessiner pour témoigner.Les oeuvres de David Olère livrent une représentation irremplaçable de ce dont il ne reste aucune trace. L'auteur incite le spectateur à voir avec son regard à lui ce qu’il a vu et vécu, et qu'il fait renaître par ses dessins d'une grande précision. De ce fait, il nous transmet une part de la vérité qu'il a eue sous les yeux. Au-delà de ce qu'il a vu à Auschwitz, David Olère parle un langage universel, celui du dessin, accessible à tous, montrant de manière très réaliste ce qui se passait dans les Krématorium. Enfin, ces dessins sont des actes de résistance pour "éduquer contre Auschwitz", selon la formule de Jean-François Forges (1). Ils sont des armes pour lutter contre les négationnismes. Ils font de nous des relais de la transmission de la mémoire d'un témoin, et nous permettent de passer de la mémoire à l'histoire, du vécu à l'universel.

(1) Jean-François Forges, "Eduquer contre Auschwitz", Histoire et mémoire, Paris, ESF, 1997
F. Mousset




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